Quelques longues minutes accroupi dans un équilibre précaire entre l'esprit fixe occidentalement ancré sur l'occiput et l'enveloppe de chair vibrant d'une intensité rare. Je suis parcouru d'infimes tremblements musculaires : faire ou ne pas faire ? telle est la tension. Se jeter à l'eau ou rester en appui sur mille et une excuses qui s'accumulent telles les marches d'un escalier de secours ? Le vrai risque, le danger, c'est l'escalier derrière. C'est lui l'ennemi, le « reculer pour renoncer » et puis tu tombes sur une porte, celle de la cave aux regrets. Dire non à l'intensité qui s'étend, même si elle est terrifiante ? La désirer de tout son être, s'y abandonner ? À quoi cela tient-il ? Le désir de vaincre une peur tenace, presque primaire à la croisée des chemins : peur de l'inconnu et peur de l'inaction. Se surpasser, une fois pour toutes ! La profondeur, la densité, l'intensité, l'imprévisible et l'invisible de la vie à venir. Cette peur ne sera plus la peur de la vie. Pendant les dix prochaines minutes, je vivrai pleinement et intensément tout. La boule au ventre, les frissons sur l'échine, la tête tendue vers l'inconnue dimension de vivre. La faim furieuse de l'énergie, tel un îlot à la dérive. Mes mains s'animent et repoussent la roche dure, leur chair rèche a une conscience. Je sèche de peur, je mouille de devenir. Et de plaisir inavoué. En cet instant je vis et je contemple, mort, mon double resté sur la berge. Je suis hors-temps, sans échappatoire, vivant dans l'infini présent. Dans le non-retour du sauteur sans peur et sans remords. Des lames bleues me crèvent les boyaux, couteaux acérés de la surface des mers, et le sel sèche ma viande qui se tortille sous le regard cuisant d'un soleil circonspect. Toutes les dix minutes, je me répèterai « je vivrai pleinement et intensément tout ».
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