Je voulais être une île de cendres
sur les décombres d'une ancienne guerre,
rangée aux combles de la rue inhabitée par ma solitude.
Mais au milieu de cela, tu m'as souri.
Je voulais être une ancre de plomb,
or en guise de plomb j'ai surpris un chant de tendresse
et tes yeux vers moi : sons d'émeraudes, sons cristallins.
Tous les cygnes convergent - vert, le miroir du lac -
puis en sort celle qui file hors de l'eau sous la nue.
Et les cygnes accourent, rident l'eau
tout autour d'eux, et l'amusent - la fée rit -
les ailes brûlent qu'on les lave
et tissent une robe de plumes.
Maintenant je voudrais plonger dans ses cieux, par delà l'éventail de ses longs cils, ô Sophie !
Maintenant je voudrais boire la lie-cœur,
battant la chamade à ses lèvres dociles, ô Sophie !
Et je voudrais lui dire aussi que je la trouve belle aujourd'hui !
Mais il paraît que l'on dit pas cela à une fille, ô Sophie,
sans s'attirer la méfiance des autres jours.
Alors je la dirai rebelle aujourd'hui
et on se fera la bise.
Je voudrais l'attirer tout contre moi mais je danse sur ce fil, ô Sophie,
de l'inconnue réaction.
Je voudrais aussi qu'elle m'apprécie au point d'exclamation,
qu'on se déclare la guerre inoffensive des armées de compliments,
la guerre non-violente des regards profonds et tactiles,
la guerre sans la guerre, qui ne tue que les doutes que l'on se crée.
Mais je crains encore qu'à ce jeu difficile, ô Sophie,
la peur du ridicule
et celle du risque, ce fantôme qui me suit,
ne réapparaisse à chaque instant de la nuit.
Je voudrais qu'elle et moi nous trouvions un territoire neutre,
c'est-à-dire une terre-île-toit nôtre,
où avancer nos pions fragiles, ô Sophie,
sans besoin de conquête,
mais je redoute la mécanique sans cœur
du papier à musique réglé sur le quotidien.
Je voudrais qu'elle et moi nous fussions nomades, hordiers, crevettes agiles, ô Sophie, squatteurs du même coquillage et non plus crabes carapaçonnés.
Car je suis bien décidé à me couper les pinces, sans une larme de crocodile, ô Sophie
Et à lui ouvrir les portes de chez moi, à cette fille, ô Sophie.
— Miejiriel, janvier 2017
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