12 août 2020

Les plus beaux des poèmes

Les plus beaux des poèmes sont ceux jamais écrits

Ceux que l'esprit entrevoit l'espace d'un instant

Ceux qui se laissent, au détour d'une pensée traînant,

Approcher au hasard de voyages inconscients

Ceux que l'on fait en rêve avant d'en perdre le récit

Ceux que l'on suit parfois dans le dédale de circonvolutions

Propre à chaque matrice à poésie

Ceux qui nous font l'effet d'une révolution

Avant même que notre cœur artisan

Succède à l'architecte qui en perdra les plans.


Ces poèmes non-faits,

tournés mille fois dans les méandres de l'esprit

modelés, polis, puis jetés sur le seuil de l'oubli

Ces poèmes parfaits

aux sons purs, qui ne sont qu'harmonie,

complétude, paradoxe du silence de leur mélodie,

 

On croit les composer du jour comme de nuit

On croit les posséder, tout comprendre à leurs sons

Au moindre tintement gracieux, aux résonances

On croit en maîtriser l'ensemble des nuances

On veut les capturer dans nos compositions

On se voit en orfèvre de leur alliage de sens,

De sueur, d'ornement, d'oripeau, et de science,

On se croit pousser un marteau et une forge 

On s'entend déjà les clamer à pleine gorge

 

Mais,

 

Sans notes pour les fixer, sans bouche et sans oreilles

Sans eau pour y plonger les vers rouge vermeil

Ces poèmes non-faits, ces poèmes parfaits

Échappent à nos mains, échappent à tout jamais

Et fuient en feux follets que l'audace effarouche

On ne les retient pas dans le vent qui les mouche.

 

Enfin, les vers que l'esprit cherche à recréer

Se perdent. Ils étaient marteaux et rivets, 

Ils étaient enclume et tenaille ; les paumes

Les ont laissé choir en un royaume

Dont on n'emporte rien que des regrets

Des tâches de couleurs, et des poèmes imparfaits.